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Recrutement pénurique : comment répondre aux enjeux des métiers en tension
En décembre dernier, le ministère du Travail a rappelé dans un rapport que les métiers en tension représentent une urgence sociale et économique. De la santé au gros œuvre du bâtiment, du textile et cuir à l’industrie bas carbone, la liste des métiers prioritaires s’allonge.
Résultat : des milliers de postes à pourvoir, des départs en fin de carrière non remplacés, et des défis de recrutement que les méthodes classiques ne suffisent plus à résoudre.
Pourtant, des solutions de recrutement existent : mieux évaluer les compétences, grâce à des référentiels métiers clairs ; utiliser un outil d’évaluation innovant pour détecter les compétences transversales et techniques ; ou encore investir dans la formation professionnelle et la reconversion des demandeurs d’emploi.
De la reconversion professionnelle au bilan de compétences, en passant par les nouveaux outils d’évaluation RH (logiciels, plateformes, IA), chaque manager et chaque organisme de formation détient une partie de la solution. Mais encore faut-il savoir anticiper les besoins, analyser les tendances, et bâtir une stratégie de recrutement efficace.
Historique et contexte des métiers en tension en France
La notion de métiers en tension n’est pas nouvelle. Depuis plus de vingt ans, les rapports successifs des institutions publiques et les articles de presse spécialisés alertent sur l’écart grandissant entre les besoins des entreprises et l’offre de candidats qualifiés. Dans les années 2000, ce phénomène était déjà observé dans l’industrie et le bâtiment, deux secteurs historiquement sensibles aux cycles économiques.
La situation s’est aggravée avec les vagues de départs massifs en retraite, souvent évoquées sous le terme de « papy-boom ». Ces départs, non compensés par un renouvellement suffisant des jeunes actifs, ont provoqué des pénuries durables. Parallèlement, la désindustrialisation partielle de certains territoires a contribué à fragiliser la transmission des compétences.
La multiplication des réformes du Code du travail, les décrets et arrêtés ministériels portant sur la formation professionnelle, et la création de dispositifs comme le CPF ou la VAE, traduisent une volonté politique de répondre à ces tensions. Toutefois, malgré ces efforts, les difficultés de recrutement demeurent et s’étendent désormais à des secteurs de services comme la santé et l’hôtellerie.
Comprendre les enjeux autour des métiers pénuriques
Définition et état des lieux des métiers en tension
Un métier en tension se définit par un déséquilibre persistant entre l’offre et la demande de main-d’œuvre. Autrement dit, il existe plus de postes à pourvoir que de candidats qualifiés disponibles. Les entreprises doivent alors faire face à des délais de recrutement rallongés, à un turn-over élevé et parfois à l’impossibilité de maintenir certains services.
Dans le secteur de la santé, les aides-soignants, infirmiers et aides à domicile sont au cœur des préoccupations. Ces métiers exigent des compétences techniques mais aussi des qualités humaines, et pourtant ils souffrent d’un manque d’attractivité. Dans le bâtiment, les métiers du gros œuvre et du second œuvre connaissent des départs massifs en fin de carrière, avec peu de remplaçants formés. L’industrie, notamment dans ses volets liés au bas carbone, requiert des ingénieurs et techniciens hautement qualifiés, mais le vivier reste insuffisant.
Le numérique représente un autre défi : l’évolution rapide des technologies crée en permanence de nouveaux besoins en cybersécurité, en intelligence artificielle ou en analyse de données. Les diplômes traditionnels peinent à suivre le rythme, et les entreprises recherchent des profils capables d’acquérir rapidement de nouvelles compétences. Enfin, l’hôtellerie-restauration illustre les tensions liées à la saisonnalité et aux conditions de travail : de nombreux établissements peinent à recruter même sur des postes d’employés non qualifiés.
La liste des métiers en tension publiée par France Travail reflète ces réalités. Elle montre que les métiers qui recrutent sont aussi ceux qui peinent le plus à trouver des candidats.
Pourquoi les méthodes classiques ne suffisent plus
Pendant longtemps, le recrutement reposait sur le CV, le diplôme et l’entretien. Mais ces méthodes montrent aujourd’hui leurs limites. Elles ne permettent pas toujours de mesurer les compétences transversales ou d’identifier le potentiel d’un candidat en reconversion.
Un candidat qui a suivi un bilan de compétences ou un parcours de formation professionnelle peut être parfaitement apte à occuper un poste, même s’il n’a pas le diplôme traditionnellement requis. À l’inverse, un diplômé sans capacités d’adaptation ou sans motivation forte peut échouer rapidement.
Les réformes récentes ont donc insisté sur la nécessité de bâtir des référentiels de compétences clairs et de développer des outils d’évaluation plus performants. Le recours à la validation des acquis de l’expérience (évaluation des performances) et à des dispositifs de formation ciblés permet de mieux répondre aux besoins des entreprises.
Comment évaluer les compétences professionnelles ?
L’évaluation des compétences comme outil stratégique
L’évaluation des compétences est un processus d’évaluation structuré, qui combine plusieurs méthodes pour obtenir une vision globale. Elle ne se limite pas à l’entretien ou au test technique : elle inclut l’identification des compétences existantes, la mesure des performances et la capacité d’évolution.
Les entreprises utilisent divers dispositifs complémentaires. Le bilan de compétences permet aux salariés et aux demandeurs d’emploi d’analyser leurs acquis et de définir une trajectoire professionnelle. Le référentiel de compétences établit une base commune qui décrit les compétences attendues pour chaque métier. Les outils numériques, comme un logiciel d’évaluation RH, fournissent des données objectives et exploitables.
En intégrant ces approches, l’entreprise peut valider les compétences de ses candidats, détecter leurs points forts et identifier les besoins de formation.
Compétences techniques et compétences transversales
L’une des distinctions essentielles de l’évaluation moderne est celle entre compétences techniques et compétences transversales. Les premières concernent les savoir-faire directement liés au métier : maîtrise d’outils, de machines, de techniques spécifiques. Les secondes, plus transversales, concernent la capacité à communiquer, à collaborer, à gérer son temps et son stress.
Dans les métiers pénuriques, les deux dimensions sont indispensables. Un technicien de maintenance doit certes savoir intervenir sur une machine, mais il doit aussi être capable de communiquer avec ses collègues, de rassurer un client et de s’adapter rapidement à des situations imprévues. C’est pourquoi les entreprises intègrent désormais des mises en situation et des simulations pour mesurer ces compétences.
La mise en situation gamifiée
Les mises en situation gamifiées constituent une innovation majeure. Plutôt que de demander à un candidat de raconter son expérience, elles le placent dans une situation proche de la réalité professionnelle. L’outil Yuzu, par exemple, propose des scénarios interactifs qui mesurent la réaction des candidats face à la pression, leur créativité et leur capacité à résoudre des problèmes.
Ces méthodes offrent une évaluation plus équitable, car elles ne reposent pas uniquement sur le parcours académique. Elles permettent aussi d’identifier des profils atypiques mais prometteurs, de rendre le processus de recrutement plus inclusif et d'améliorer l'attractivité de l'entreprise.
Quelles sont les stratégies de recrutement ?
Stratégie de recrutement et gestion des talents
Pour surmonter les difficultés de recrutement, une entreprise doit élaborer une véritable stratégie de recrutement. Celle-ci s’appuie sur la gestion des talents et ne se limite pas à combler des postes vacants. Elle doit prendre en compte les perspectives à moyen et long terme, anticiper les départs en fin de carrière et investir dans la montée en compétences des salariés.
Le recrutement de profils pénuriques implique souvent d’aller chercher des candidats sur de nouveaux canaux, d’adapter les modalités de contrat ou d’offrir des avantages spécifiques. La communication sur les métiers devient alors un levier pour attirer les talents, en valorisant les perspectives de carrière, la stabilité et les opportunités d’évolution.
Anticiper les besoins et adapter le processus de recrutement
Une stratégie de recrutement efficace repose sur la capacité à anticiper les besoins. Cela suppose d’analyser l’évolution du marché, de mettre en place un plan stratégique et d’adopter un processus de recrutement flexible.
Certaines entreprises investissent dans des plans d’investissement compétences qui financent des formations en interne, tout en développant des partenariats avec des organismes de formation. Cette approche proactive permet de sécuriser l’avenir en construisant un vivier de candidats qualifiés.
Comment résoudre les difficultés de recrutement ?
Identifier les besoins et résoudre des difficultés
La première étape pour résoudre les difficultés de recrutement est d’identifier les besoins avec précision. Trop souvent, les fiches de poste restent vagues ou irréalistes, écartant des candidats qui auraient pourtant le potentiel et les compétences requises.
Les entreprises doivent ensuite mettre en œuvre un plan de réduction des tensions. Cela peut passer par l’amélioration des conditions de travail, la proposition de formations adaptées, ou encore des politiques de rémunération plus attractives.
Améliorer l’attractivité et proposer des solutions de recrutement
Pour améliorer l’attractivité d’un secteur, il faut travailler sur son image. Des campagnes de communication sur les métiers, soutenues par la presse et les réseaux sociaux, permettent de valoriser les opportunités offertes.
Les solutions de recrutement incluent aussi l’accompagnement des demandeurs d’emploi par France Travail, qui propose des dispositifs adaptés à chaque profil. L’analyse des tendances du marché de l’emploi permet enfin de cibler les efforts sur les métiers les plus critiques.
Quels outils pour la gestion des compétences ?
Les entreprises disposent aujourd’hui d’une gamme complète d’outils de gestion des compétences. Les plateformes d’évaluation centralisent les résultats et permettent de comparer les profils. Les logiciels d’évaluation, comme Yuzu, intègrent l’IA pour fiabiliser les résultats et réduire les biais.
La cartographie des compétences est particulièrement utile pour visualiser les ressources disponibles et planifier les besoins futurs. Elle alimente directement la gestion interne des compétences et soutient la mise en œuvre de la GEPP.
Comment anticiper les besoins en compétences ?
Anticiper les besoins en compétences nécessite une approche prospective. Les entreprises doivent analyser les compétences déjà présentes, étudier les tendances du marché et consulter les rapports prospectifs comme ceux de France Stratégie.
La prévision des métiers à moyen terme est essentielle pour éviter les pénuries. En intégrant l’évaluation des compétences dans un plan stratégique, les entreprises peuvent orienter leur politique de recrutement et de formation en fonction des besoins spécifiques.
Quels métiers recrutent en 2024 ?
En 2024, la liste des métiers en tension publiée par France Travail met en évidence plusieurs secteurs prioritaires. La santé, le bâtiment, l’industrie, le numérique et l’hôtellerie-restauration concentrent la majorité des besoins de recrutement.
Le top 10 des métiers pénuriques comprend les aides à domicile, les techniciens de maintenance, les serveurs en restauration, les couvreurs et les infirmiers.
Les perspectives des métiers en 2030 montrent que ces tensions vont persister, avec une accentuation dans les secteurs en croissance liés à la transition écologique et au numérique. Ces domaines représentent de véritables opportunités d’emploi, mais exigent une demande de compétences en constante évolution.
Comment se former aux métiers en tension ?
La formation professionnelle constitue un levier majeur pour répondre aux tensions. Les parcours de formation proposés par les organismes publics et privés permettent d’acquérir des compétences techniques et des compétences transversales adaptées.
La reconversion est encouragée par des dispositifs comme le bilan de compétences, la VAE et les programmes d’apprentissage. Ces solutions permettent à des candidats éloignés de l’emploi de rejoindre des métiers d’avenir.
Des dispositifs de formation spécifiques, financés par le plan d’investissement compétences, offrent une formation adaptée aux besoins de chaque secteur. Les programmes incluent souvent une alternance entre théorie et pratique, garantissant une insertion plus rapide.
Études de cas et exemples concrets
Prenons l’exemple d’une PME du bâtiment confrontée à une vague de départs en retraite. Grâce à un logiciel d’évaluation, elle a pu cartographier les compétences de ses salariés, identifier les manques et mettre en place un programme de formation interne. Résultat : une meilleure anticipation et une continuité de service assurée.
Autre exemple, un hôtel saisonnier en zone touristique qui peinait à recruter du personnel. En collaborant avec un organisme de formation et en proposant un parcours d’apprentissage rémunéré, il a pu attirer des jeunes actifs et stabiliser son effectif.
Enfin, dans la santé, un établissement médico-social a utilisé un référentiel de compétences pour adapter ses recrutements et proposer des formations ciblées. Cette démarche a permis de fidéliser le personnel et d’améliorer la qualité du service.
Conclusion : transformer la pénurie en opportunité
La pénurie de talents et les métiers en tension représentent un défi considérable, mais ils offrent aussi une opportunité de transformation. En combinant une évaluation des compétences moderne, une stratégie de recrutement proactive, des solutions de formation professionnelle adaptées et des outils de gestion des compétences innovants, les entreprises peuvent bâtir une réponse durable.
La clé réside dans la capacité à anticiper les besoins, à attirer les talents et à accompagner chaque profil dans son parcours de formation. C’est ainsi que les entreprises pourront non seulement répondre aux tensions actuelles, mais aussi préparer l’avenir en développant un vivier de compétences solide.
En d’autres termes, transformer la contrainte en opportunité, c’est considérer que les métiers pénuriques ne sont pas un frein, mais un levier pour repenser le fonctionnement du marché de l’emploi, renforcer l’insertion professionnelle et préparer les métiers d’avenir.