L’intelligence artificielle au service des compétences : révolution ou évolution ? Retour sur le talk de PwC à VivaTech 2025

L'intelligence artificielle (IA) a toujours été perçue comme un levier technologique, souvent associé à des avancées dans des secteurs comme la santé, la finance ou la logistique. 

Toutefois, au fur et à mesure que l’IA pénètre dans des domaines plus humains, comme la gestion des talents et le développement des compétences, elle soulève des questions bien plus profondes. Est-ce une révolution qui redéfinira complètement les pratiques des entreprises, ou une évolution qui se contentera de perfectionner les outils déjà existants ?

À l'occasion de VivaTech 2025, le talk organisé par PwC, avec la participation d’experts comme Murielle Navarre (PwC), Antoine Simon (Maze), et Léo Fichet (Yuzu), a ouvert des pistes intéressantes sur l'impact de l'IA dans la gestion des talents. Mais plus encore, il a posé la question de son impact sur la nature même du travail, de la formation, et du développement des compétences.

Comment l’IA peut-elle redéfinir la gestion des talents ? Est-elle un catalyseur d’innovation ou un simple optimiseur de pratiques existantes ? 

L’IA dans la gestion des talents : au-delà de l’optimisation

Lors du talk, Murielle Navarre a souligné que l’IA dans la gestion des talents et le développement des compétences n’était pas simplement une question d’efficacité. 

« L’IA permet d’offrir des formations plus ciblées, plus personnalisées et plus accessibles. » 

Mais derrière cette affirmation réside un véritable changement de paradigme.

L’IA permet une personnalisation des parcours de formation qui n’était pas envisageable avec les méthodes traditionnelles. Elle permet également un suivi en temps réel des compétences des collaborateurs, leur offrant ainsi une formation continue. 

Cependant, si l’IA est effectivement capable d’optimiser la gestion des talents, elle doit aussi intervenir dans un cadre éthique et réfléchi, sous peine de ne devenir qu’un outil de contrôle plutôt que d’accompagnement.

L’IA comme moteur de l’autonomie et de la fluidité

L’un des avantages indéniables de l’IA réside dans sa capacité à fournir un feedback instantané et personnalisé. Les outils qui intègrent l’IA ne se contentent pas de délivrer des formations statiques, mais offrent des retours en temps réel, permettant à l’apprenant de se corriger et de s'améliorer au fil de l’action. C’est une forme d’apprentissage par l’erreur contrôlée qui est souvent absente des formations traditionnelles.

Mais à y regarder de plus près, ce modèle pose aussi la question du monde du travail du futur. Si l’IA peut permettre de former et d’évaluer les talents plus rapidement et efficacement, elle pourrait aussi tendre à automatiser des tâches actuellement effectuées par des formateurs ou des managers. Dans quelle mesure ce système transforme-t-il les rôles humains au sein de l’entreprise ? L’IA devient-elle un substitut des interactions humaines essentielles, ou au contraire, est-elle un complément qui libère du temps pour des échanges plus profonds et humains ?

Yuzu : l’IA au service des soft skills

Une innovation importante dans l’utilisation de l’IA pour le développement des compétences a été présentée par Léo Fichet, co-fondateur de Yuzu. Yuzu utilise l’IA pour évaluer et développer les soft skills, ces compétences comportementales essentielles dans le monde professionnel, mais souvent difficiles à mesurer par des méthodes classiques.

Yuzu repose sur l’idée que l’IA peut être un levier puissant pour simuler des mises en situation réalistes, où les collaborateurs peuvent interagir avec des scénarios gamifiés. Ces simulations sont non seulement des outils d’évaluation, mais aussi des moyens d'apprentissage actifs.

L'IA permet d'analyser les réactions des utilisateurs dans des situations complexes et de leur fournir des feedbacks immédiats, tout en s’adaptant à leurs actions en temps réel. Par exemple, dans un environnement de travail virtuel, un employé peut s’exercer à gérer un client difficile ou à naviguer dans des situations stressantes tout en recevant des retours personnalisés sur son comportement.

Cette approche est particulièrement efficace pour le développement de compétences comme l'empathie, la communication ou la gestion du stress. Contrairement aux évaluations traditionnelles, où les compétences comportementales sont souvent subjectivement mesurées par un formateur, Yuzu offre une évaluation objective et dynamique des soft skills. L’utilisation de l’IA dans ce domaine permet ainsi une évaluation continue et un apprentissage immersif, parfaitement adapté aux besoins d’un monde du travail où ces compétences sont de plus en plus recherchées.

Les soft skills : l’IA peut-elle vraiment nous enseigner l’humain ?

Un autre aspect central du talk était la place des soft skills dans la formation. Selon Léo Fichet, co-fondateur de Yuzu, l’IA offre une possibilité unique de développer ces compétences humaines essentielles, mais souvent difficiles à enseigner par des moyens classiques : 

« Nous avons tendance à concentrer les efforts de formation sur des compétences techniques, mais les soft skills, telles que l’empathie ou la gestion du stress, prennent une importance croissante dans le monde professionnel. »

La capacité de l’IA à simuler des mises en situation permet de travailler ces compétences dans des contextes réalistes. Par exemple, un employé pourrait s’exercer à gérer un client difficile via un jeu vidéo interactif, où il doit répondre aux besoins du client tout en respectant des contraintes précises. L'IA permet ainsi de reproduire des situations de travail complexes que l’on ne pourrait pas créer dans un environnement de formation traditionnel.

Mais ce qui est réellement intéressant ici, c'est de s'interroger sur la méthode d'apprentissage qu'introduit l'IA. Selon Anders Ericsson, psychologue et expert en apprentissage, pour atteindre l'excellence, il faut pratiquer de manière délibérée et se confronter à des situations réelles. L'IA permet justement cette immersion dans le réel, mais elle soulève aussi une question cruciale : l’IA peut-elle réellement nous enseigner l’humain ? 

L’intelligence émotionnelle, la capacité à percevoir et à gérer des émotions dans un contexte professionnel, est une compétence difficilement mesurable par une machine. Ainsi, même si l’IA est un excellent outil d’entraînement, elle ne remplace pas l’interaction humaine nécessaire pour parfaire ces compétences.

L’engagement des apprenants : une priorité pour les entreprises

Une question majeure soulevée par le talk est l'engagement des apprenants dans un environnement numérique. L'IA peut-elle vraiment remplacer la motivation intrinsèque qu'apportent les interactions humaines dans une salle de formation ? C’est une question que de nombreuses entreprises se posent aujourd’hui.

Selon Léo Fichet : 91 % des utilisateurs de ses solutions d’évaluation restent engagés tout au long de leur parcours. 

Un taux de rétention bien supérieur à celui observé dans des formats traditionnels d’évaluation ou de formation. Cela s’explique par le fait que l'IA, lorsqu'elle est bien utilisée, permet un parcours d’apprentissage sur mesure, répondant aux besoins spécifiques de chaque apprenant, tout en s'adaptant à son rythme et ses erreurs. 

Cette personnalisation est un des atouts de l’IA.

Mais cet engagement ne dépend-il pas de la nature de l’interaction elle-même ? 

Si l’IA devient omniprésente dans l’apprentissage, ne risque-t-elle pas de réduire la dimension sociale du travail, qui est pourtant essentielle pour le développement des soft skills ? Autrement dit, une fois les compétences apprises, reste-t-il de la place pour le travail collaboratif, l’échange et la réflexion collective qui enrichissent la culture de l’entreprise ?

Gouvernance de l’IA : des enjeux éthiques cruciaux

Si l’IA offre des opportunités impressionnantes, son utilisation dans le cadre de la gestion des talents doit être accompagnée d’une gouvernance éthique stricte. Murielle Navarre a insisté sur le besoin d’une transparence totale dans l’utilisation des données et de l’IA, afin de ne pas créer de biais ou de discriminations dans l’évaluation des compétences des collaborateurs. Une IA alimentée par des données biaisées pourrait, par exemple, renforcer les inégalités entre les employés ou les candidats.

De plus, la protection des données personnelles devient un enjeu majeur dans ce cadre. Comment les entreprises peuvent-elles garantir la sécurité des informations sensibles des employés tout en permettant à l’IA d’exploiter ces données pour personnaliser les parcours de formation ? La mise en place de régulations strictes sera essentielle pour éviter les dérives.

Conclusion : l’IA comme levier de transformation ou simple optimiseur ?

L’introduction de l’intelligence artificielle dans la gestion des talents, comme l’a montré le talk de PwC à VivaTech, représente une véritable opportunité de réinventer la formation et le développement des compétences. Mais l’IA soulève aussi des questions complexes concernant l’engagement des employés, la nature de l’apprentissage, et les enjeux éthiques liés à son déploiement.

À ce titre, il est clair que l’IA n’est pas une solution miracle. Elle ne remplacera pas l'humain, mais elle peut le compléter. Si elle est utilisée de manière réfléchie, elle peut devenir un levier puissant pour améliorer l'efficacité et la personnalisation de la gestion des talents. Cependant, pour qu’elle transforme véritablement les entreprises, il faut veiller à ne pas sacrifier l’interaction humaine et les valeurs éthiques essentielles. L’IA peut bien être une révolution, mais à condition de l'intégrer dans une vision globale et équilibrée.

Visionner le replay du talk

Pour explorer plus en détail les idées abordées lors du talk, vous pouvez visionner le replay complet ici :